Hufo
attendent une imagination pour se gonfler de chair et vivre
leur vie. lis n'ont pas la fausse et cruelle ingénuité de ceux
de Chas Laborde ou la fantaisie éphèbe de Jean Oberlé.
Candidement vampires ce
sont des pièges a rêves. lis
nous proposent de jouer
avec eux, mais ce jeu nous
conduira oü leur auteur le
désire. Quand il colorie, ce
sont invariablement des cartes
biseautées et la réussite qu'il
exécute répond toujours ce
qu'il souhaite. II sut acroba-
tiquement esquiver les diva
gations de l'illustrateur illu-
miné et le chromo redoutable
du photographe. Vous avez
déja vu eet intérieur certe.s
en fermant les yeux. Ce pay-
sage se présenta?... quand
nous étions seul dans une
chambre close.et cette jeune
femme qui sourit?... elle
s'appela Dulcinée pour Don
Quichotte, Juliette pour Ro-
méo et Consolata pour la
plupart d'entre nous.
Ce bleu profond et mer-
veilleux, qui crée le mystère
du ciel et baigne le chateau,
était resté sur notre rétine
depuis le soir oü nous avons
intensément fixé des vases
persans et voici le cheval
magique, la lampe d'Aladin
et Scheherazade. II nous pro
pose ensuite le pot de
pêche des potiches chi-
noises de la belle époque
paree que nous l'avons admiré
a l'heure que nous étions
sentimentals et il retrouva le Lithographie de Jean Hugo (grandeur or
vert éperdu de notre boite de servant de frontispice aux Mariés
couleurs enfantine et des per-
sonnages noirs qui montent a cheval, chassent le temps
et poursuivent l'amour.
Voila pourquoi M. Jean Hugo est un précieux illus-
trateur de livres. Des Joues en Feu de Radiguct, et des Amis
nouveaux, de Morand, au Perroquet Vert, de la Princesse
Bibesco, a Climats de Maurois, en passant par le Roméo et
Juliette, de Cocteau, il ne fixe pas des personnages illusoires
il ne leur impose pas une barbe, une robe, un tic. II propose
au lecteur de les inventer avec lui, de répondre a l'analyse
des caractères par une halluci
nation visuelle. L'écrivain
mit les héros en nous... c'est
a nous, a nous seuls, de
leur donner une apparence
et M. Jean Hugo, le plus
aimable des rêveurs, vient
avec désinvolture nous gui-
der dans eet exercice égoïste.
Mais son triomphe est au
théatre. Ce lieu qui n'existe
que par convention, cet art
qui ne repose que sur des
illusions que tout enfant dé-
couvre de lui-même, auquel
tout jeune homme va confier
ses plus intimes secrets, cons-
titue la plus belle province de
son empire. II comprit que la
toute vérité historique est
anachronisme, toute réalité
irréelle. L'unique facteur scé-
nique demeure la suggestion
et Part dramatique représente
une forme anodine de l'hyp-
notisme. Les Capulets ne
doivent pas se vêtir selon le
siècle, mais selon notre ima
gination. Des décorateurs
francais il est le seul, avec
M. AndréBoll a l'avoir nette-
ment compris. Mais alors que
M. André Boll, soumis a de
cruelles obligations profes-
sionnelles, dut, trop souvent
a son gré, transiger avec la
routine, M. Jean Hugo, tra-
vaillant avec des hommes
iginale). Portrait de Jean Cocteau neufs, des intelligences COm-
de la Tour Eiffel (NRF). préhensives des nécessités du
vrai théatre, put se réaliser
pleinement. C'est a ce miracle que nous devons les
réussites de Roméo et Juliette, d'Orphée, les masques
d'Antigone... et si certains vieillards crurent que ce
n'était pas trés sérieux, c'est qu'ils étaient trop vieux
et que M. Jean Hugo représente vraiment l'éternelle
Jeunesse. Lucien Farnoux-Reynaud.
o
Dessin gravè sur cuivre par Jean Hugo pour les Amis Nou
veaux de Paul Morand ainsi que le dessin en tête de Particle.
(«Au sans Pareil edit.).