Graphisme d'utilite
publique en Italie
De la Biennale de Cattolica a la Charte du projet graphique
par Giovanni Lussu
La notion de graphisme d'utili
te publique remonte, en Italie,
a Albe Steiner (1913-1974),
un des principaux protago-
nistes du graphisme de I'apres-
guerre. Pour Steiner - profes-
sionnel de Industrie milanaise,
communiste militant, divulga
tes passionne des avant-gardes rationa-
listes, experimentateur de techniques et
de methodologies, organisateur infatigable -
le graphisme d'utilite
publique, destine a la
«commande publique
est caracterise par la
mise en ceuvre de
I langages specifiques,
differents de ceux de la
communication des
entreprises et de la
publicite.
Jusqu'aux annees soixante-dix, il n'y eut en
realite, en Italie, que de rares exemples de
graphisme relevant de la commande
publique (un des plus marquants tut I'image
du metro milanais creee en 1964 par Bob
Noorda) et la legon de Steiner fut surtout
suivie par les auteurs de la communication
politique et culturelle de la gauche italienne,
Le graphisme milanais, internationalement
reconnu, restait, quant a lui, lie aux grandes
entreprises du Nord et au prestige croissant
du design industriel.
Giovanni Lussu
Apres 1968, dans tout
le pays, se multiplient
des initiatives poli-
tiques, sociales et cul-
turelles, rendues aussi possibles par une
active decentralisation administrative, qui
accordent une place de plus en plus impor-
tante aux images. De nouveaux langages
apparaissent, souvent opposes a ceux des
matrices rationalistes qui prevalent a Milan,
caracterises par un grand eclectisme plutot
que par des styles bien definis. Langages
qui se referent a I'affiche polonaise, au
Push Pin au Mai frangais», a la bande
dessinee, au cinema, etc.
L'experience de Massimo
Dolcini pour la municipalite de
Pesaro est, a cet egard, exem-
plaire en etroite symbiose
avec I'administration de la ville,
Dolcini invente, jour apres jour,
une communication vers les
citoyens, sans se limiter a un
style precis, avec une ressour-
ce inepuisable. Sa vitalite pro-
page ce nouveau graphisme a
d'autres experiences dans les
regions des Marches ou de I'Emilie-
Romagne, la municipalite de Modene deci
de ainsi de creer un atelier graphique inter
ne, dirige par Elisabeth Ognibene.
Puis, a Florence apparaTt le Studio
Graphiti(Andrea Rauch et Stefano Rovai)
Venise demande a Invenzione Tapiro
(Enrico Camplani et Gianluigi Pescolderung)
de creer les images de la Biennale et du
Carnavala Turin intervient I'Extrastudio
(Armando Ceste et Gianfranco Torri), dans
le Val d'Aoste Franco Balan, a Rome
Giovanni Lussu et Giuliano Vittori, a Salerne
le Studio Segno (Gelsomino d'Ambrosio
et Pino Grimaldi).
A Matera, Mario Cresci met en place une
extraordinaire recherche, entre avant-garde
et anthropologie culturelle, qui vise a inte-
grer la tradition iconographique du
Mezzogiorno aux modes de I'intervention
graphique contemporaine.
En 1984 se tint a Cattolica la premiere
biennale du graphisme d'utilite publique
(premiere et derniere, car en realite il n'y en
eut pas d'autre) intitulee propagande et
culture enquete sur le graphisme d'utilite
publique des annees 70 a nos jours qui
permit de mettre en lumiere I'articulation
complexe de toutes ces experiences.
Le Comite organisateur de la manifestation
etait compose du noyau des premiers
experimentateurs auxquels s'etaient joints,
par convergence d'interets et de problema-
tiques, Paolo de Robertis (Directeur artis-
tique chez Iveco), Roberto
Pieraccini (Directeur artis-
tique chez Olivetti) et Gianni
Sassi representant en
quelque sorte «l'industrie
culturelle» milanaise.
Giovanni Anceschi, qui vient
de I'ecole d'Ulm et qui fut
I'auteur de I'image des
transports de Bolzano, ecri-
vit le texte introductif au
catalogue de I'exposition.
Andrea Rauch et Stefano Rovai
La Charte du projet graphique
1. La communication et I'information
connaissent desormais un developpe-
ment prodigieux. Ce systeme, generalise
et puissamment structure a I'image des
plus grandes entreprises industrielles,
produit des phenomenes inquietants de
pollution et de saturation visuelles
2. Face a la fragmentation, a la disorgani
sation, a la dislocation creees par une
culture hyperindustrielle de masse,
le graphisme, avec ses capacites a
imposer une forme et une identite a la
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