Anceschi, aujourd'hui professeur au
Politecnico de Milan, releve les limites et
I'aspect porte-drapeau de la notion de gra-
phisme d'utilite publique, presque
simple reference ideologique. Mais,
ce sont, precisement, ces elements
qui donnent aujourd'hui sa vitalite a
la Charte du projet graphique et a
ses grandes aspirations. La Charte
constitue une ouverture vers les
problemes actuels, car la revendi-
cation de qualite et de responsabili-
te, qu'elle contient, correspond a la
maturation de I'engagement poli
tique des graphistes de la genera
tion de 68. Cette forte connotation
politique a produit des clefs linguistiques
tres diverses.
Les graphistes ne cherchaient pas tant un
style propre qu'un langage et une metho-
dologie fonctionnels, au cas par cas. Alors
que du cote de ('establishment, I'aridite du
manierisme rationaliste tardifs'est instal-
lee grace a la mesquinerie politique et
sociale de ses praticiens.
La souplesse conceptuelle a porte le pro-
bleme du langage a un plus haut niveau
celui de la mise en scene, de I'orchestra-
tion. Ce ne sont plus seulement des crea
tions statiques, circonscrites, qui sont
mises en avant, mais
de plus en plus des
precedes, des modes
d'intervention.
Le ressort de ce deve-
loppement, de cette
recherche (comme ce fut le cas a I'ecole
d'Ulm, souligne Anceschi), c'est le desir
d'aller au-dela du profit, au-dela de I'affir-
mation personnelle. Avec energie et curiosi-
te, ouvrir encore de nouvelles routes.
La Charte du projet graphique, c'est preci
sement cela. Malgre ses affirmations tres
tranchees, elle rajeunit chaque jour, car elle
a la pretention d'affirmer qu'il faut explorer,
definir les contours de la discipline et unifier
son champ d'action dans toutes ses com-
posantes, avec les acteurs et les metteurs
en scene, les createurs d'objets semi-finis
et les orchestrateurs.
Ce qui correspond, de plus en plus, au
developpement reel du graphisme. Nul ne
peut prevoir au demeurant, ce que donnera
cette evolution.
Pourfinir, quelques considerations person-
nelles. Le graphisme, precisement parce
qu'il est different de I'activite artistique et
qu'il depend de la presence d'un comman-
ditaire, est structurellement lie aux evolu
tions politiques et sociales. L'histoire de
ces dernieres annees, avec ses bouleverse-
ments internationaux devastateurs, et,
en Italie, la crise du systeme politique et
I'emergence dramatique d'une profonde
corruption, a constitue une etape difficile,
et I'amertume de quelques amis n'est
certes pas simulee.
Le groupe de Cattolica, avec toutes ses
contradictions, a pourtant produit ce qui fut
de plus vivant et de genereux dans le gra
phisme italien de ces dernieres decennies.
A present, comme le dit Anceschi, il faut
aller de I'avant. Un des points sur lesquels il
faut insister est le rapport entre texte et
image, auquel font allusion Camplani et
Pescolderung. II est necessaire de reconsi-
derer avec plus d'attention, apres tant
d'affiches et tant de richesse des images,
la forme de I'ecriture.
Avec I'ecriture tout se communique, d'une
maniere precise I'ecriture a toujours une
forme, elle est au coeur du probleme du
graphisme. Quand cela sera compris,
il deviendra possible de poser les questions
fondamentales (que, parfois, les images
permettent d'eluder)pour le compte de
qui communique-t-on Et envers qui
Giovanni Lussu
Les images de Camplani et Pescolderung,
Rauch et Rovai ont 6te publiees dans
la revue du Parti socialiste Mondoperaio
en 1986.
Les images de Cresci proviennent de son
livre Racconti di grafica.
Les images de Dolcini sont des
illustrations extraites de ses affiches pour
la ville de Pesaro.
Les images de Lussu ont ete realisees
vers 1980 pour les revues Unita proletaria
et Quotidiano dei lavoratori.
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