Fokke DraaijerEvidemment, au plus pro-
fond, une grande part de ma culture reste
hollandaise mais, en travaillant ici, mon gra-
phisme est forcement lie a la culture fran-
gaise. Je travaille beaucoup la typographic
parce que mon bagage culturel m'y predis
pose, mais je peux dire que jamais je
n'aurais fait autant de recherches typogra-
phiques aux Pays-Bas que j'ai pu en faire
ici. Avec Le Louvre en particulier, j'ai pu
elaborer une approche typographique tres
raffinee... precisement parce que j'etais en
France, avec une commande qui le permet-
tait. D'ailleurs je trouve que I'ensemble du
projet graphique pour Le Louvre est tres
frangais, ce sont forcement les sujets qui
font aussi le graphisme.
On decouvre enormement de choses nou-
velles quand on se confronte a une autre
culture c'est tres instructif et tres difficile
de temps en temps. Par exemple, je
m'apergois que beaucoup d'exigences que
nous avons ne sont pas partagees par nos
clients soucis de Constance, d'aller
jusqu'au bout d'une demarche. Souvent les
commanditaires ont plutot envie d'avoir
une belle fagade, alors que nous travaillons
surtout dans I'approfondissement, que
nous cherchons a aller a I'interieur des
mecanismes I C'est evidemment ancre
dans I'enseignement du graphisme en
Hollande une belie fagade ne peut que
decouler d'un bon fonctionnement interne.
a
C=
Dirk Behage C'est une caracteristique de
notre metier que cette demarche d'appro-
fondissement, mais en France, trop sou-
vent, les commanditaires ne comprennent
pas que travailler avec un graphiste signifie
que beaucoup de choses changeront et
aussi qu'ils devront deieguer une parcelle
de leur pouvoirLes Hollandais sont plus
aptes a accepter cette demarche, peut-etre
parce que c'est inscrit dans leur histoire et
leur mentalite ils sont mieux prepares a
absorber et a s'adapter a une intervention
de I'exterieur. Si une institution commande
un travail graphique a un atelier, elle
accepte le professionnalisme de celui-ci,
elle ecoute et ne se cramponne pas a ses
prerogatives.
Je me souviens d'une discussion sur le
papier a en-tete des Pares Nationaux ou
nous proposions, puisqu'il y a sept pares
differents, qu'il y ait une coherence dans
ces simples courriers... C'etait deja aller
trop loin, chaque responsable voulait gar-
der ses prerogatives dans ce domaine,
alors que le principe de la commande etait
precisement de batir une ligne graphique
globale pour les Pares Nationaux de
France Autre exemple, nous avons cree
une signaletique pour la Cite des Congres
de Nantes, qui fonctionne de mieux en
mieux, mais le commanditaire n'a pas voulu
de la ligne graphique que nous avons sou-
haite, de nous-memes, lui soumettre et
qui aurait permis de mieux comprendre
pourquoi ce palais se veut le plus beau
d'Europe
Pierre Bernard C'est I'etat de sous-
developpement du graphisme frangais qui
s'exprime la, dont I'une des causes
essentielles est I'absence de maTtres
d'ouvrages responsables I Meme quand la
commande semble serieuse, il faut souvent
faire attention cela reste dans bien des
cas superficiel. L'approfondissement et la
duree sont les conditions de notre interven
tion et les commanditaires en sont surpris
meme s'ils font tout pour beneficier de la
reputation visuelle d'un atelier comme le
notre, c'est trop souvent pour que nous
intervenions rapidement et seulement sur
I'apparence.
L'autorite de I'experience hollandaise com
mence a etre reconnue en France.
De nombreux commanditaires ont admis
leur savoir-faire dans ce domaine et sou
vent I'intervention de Dirk ou de Fokke
dans les discussions, en impose...
Ce desequilibre entre le developpement du
graphisme en Flollande et son sous-deve-
loppement en France nous oblige a refle-
chir en termes d'experiences contraires
eux ont I'habitude de I'opulence, moi, d'une
certaine maniere, j'ai I'habitude du no
man's land I Mais precisement, cette dia-
lectique est passionnante sur un terrain
aussi ordonne que la Flollande, le surcroit
d'ordre apporte de la conformite tomber
dans la conformite au bout de vingt ans,
c'est aussi la preuve qu'un formidable tra
vail de recherche a pu s'accomplir alors
qu'en France, a mon sens, mettre de I'ordre
sur un terrain chaotique ne peut que bene
ficier a la creation.
Regards croises
Fokke DraaijerCuand je suis arrive ici,
comme stagiaire, le premier jour il y avait
une grande reunion de graphistes parisiens
qui etait prevue au musee de I'Affiche.
J'y suis alle et j'ai trouve une cinquantaine
de personnes seulement... A Amsterdam,
une reunion comme ga en aurait regroupe
des centaines C'est la que je me suis
rendu compte qu'il n'y avait pas tellement
de graphistes en France.
affiche recto verso Demain se decide aujourd'hui
pour une co-exposition
Grapus Atelier de Creation graphique
a Orleans en 1991
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